
Il y a douze ans, leurs chemins se croisent brièvement : Rosemary Standley, voix franco-américaine envoûtante révélée par Moriarty, rencontre Dom La Nena, jeune violoncelliste et chanteuse franco-brésilienne au timbre feutré. Portées par des racines mêlées, une formation classique et un même attrait pour les langues et les répertoires en clair-obscur, leur rencontre résonne d’emblée comme une évidence musicale.
Ce qui ne devait être au départ qu’un projet éphémère — une constellation de reprises pour voix et violoncelle imaginée pour une série de concerts à la Cité de la Musique à Paris — prend doucement racine. À l’image des oiseaux migrateurs dont elles adoptent le nom, Birds on a Wire s’élèvent sans itinéraire tracé. Leonard Cohen les guide au commencement, mais leur chant devient peu à peu leur propre carte du monde. Le public les suit. L’alchimie opère, irréversible.
Leur premier album éponyme, en 2014, célèbre les chants d’enfance et de mémoire, les complaintes ancestrales, les joyaux baroques ou les perles folk d’Amérique latine. Le duo ne se contente pas de reprendre : il épure, transfigure, entrelace les langues et les siècles avec une délicatesse rare.
Six ans plus tard, Ramages révèle d’autres plumages : ceux de Pink Floyd, Violeta Parra, Jacques Brel, Gabriel Fauré… La palette s’élargit, les atmosphères se déploient, tantôt soyeuses, tantôt orageuses. Couronné d’un Disque d’Or, l’album touche un public fidèle et curieux, preuve qu’une œuvre libre et délicate peut tracer son chemin hors des sentiers balisés.
Birds on a Wire se sont produites à guichets fermés dans plus de 400 concerts, sur les scènes les plus prestigieuses en France et à l’international — de la Philharmonie de Paris à l’Olympia, du Théâtre du Châtelet aux Bouffes du Nord, en passant par le Théâtre antique de Fourvière, la Basilique Saint-Denis, la Philharmonie du Luxembourg ou encore l’Auditorium de Radio France.
Leurs collaborations dessinent un paysage mouvant et foisonnant : l’arrangeur britannique Mike Smith (Damon Albarn, Blur, Gorillaz), le Britten Sinfonia, la Maîtrise de Radio France, mais aussi Stephan Eicher, Philippe Jaroussky, l’Orchestre national des Pays de la Loire, le Choeur de Jeunes de l’Orchestre de Paris, l’Orchestre National de Bretagne, le magicien Yann Frisch, les Chanteurs d’oiseaux, les danseuses Kaori Ito et Rana Gorgani…
En mai 2024, le Louvre leur confie une Carte Blanche pour une série de soirées exceptionnelles. Déambulant dans les salles du musée, elles imaginent une immersion musicale inédite, à la croisée de la résonance patrimoniale et de la complicité artistique. De cette expérience est né un film, Une nuit au Louvre avec Birds on a Wire, produit pour Arte.
En septembre 2024, elles créent, en collaboration avec le compositeur Gustave Rudman, la bande sonore du tout premier défilé signé Alessandro Michele pour la maison Valentino, présenté à la Fashion Week de Paris — un moment fort, salué pour sa poésie acoustique et sa liberté esthétique.
Leur musique, à la fois incarnée et intemporelle, trouve naturellement sa place à l’écran : elle accompagne L’Étoile filante d’Abel & Gordon (Locarno 2023), mais aussi les univers singuliers de Léa Mysius (Ava), Tonie Marshall (Numéro Une), Erwan Le Duc (Perdrix), les frères D’Innocenzo (Favolacce), ou encore la série Lidia Poët sur Netflix.
En 2025, un nouveau chapitre s’ouvre : Nuées ardentes, leur troisième album (sortie le 3 octobre), est un recueil de métamorphoses. Pour la première fois, Birds on a Wire s’attaquent à un répertoire de chansons pop, rock et françaises extrêmement connues, inscrites dans l’inconscient collectif : Smalltown Boy de Bronski Beat, The Lovecats de The Cure, People Are Strange des Doors, Perlimpinpin de Barbara ou encore La peinture à l’huile de Bobby Lapointe. Ces morceaux, souvent cultes, sont ici revisités à leur manière — avec grâce, audace, et une forme de douce irrévérence. Parfois dépouillés jusqu’à l’os, parfois réinventés dans des textures plus amples, où le violoncelle se fait orchestre, clavier ou percussion, ces titres familiers prennent une couleur nouvelle, troublante et singulière.
Ces pièces côtoient des airs baroques italiens et des chants traditionnels d’Amérique latine, traçant ensemble une cartographie sensible de l’adolescence, cet âge incandescent où l’on vacille entre l’ombre et la lumière.
L’album explore les multiples visages de cette traversée : les troubles de l’identité, le sentiment d’exil intérieur, les désirs en friche, les élans naïfs, la solitude, la sensualité qui s’éveille, la révolte ou le rêve d’un ailleurs. Ces nuées ardentes, empruntées au langage des volcans, évoquent les tensions souterraines et les jaillissements brûlants qui précèdent l’éveil à soi.
Avec la participation exceptionnelle de la Maîtrise de Radio France, les arrangements prennent une ampleur orchestrale inédite, tout en conservant la signature minimaliste et organique du duo. Sur scène, la magie d’Étienne Saglio — clairières, apparitions, illusions — vient envelopper leurs harmonies d’un voile de mystère et de merveilleux.